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1PrologueChaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. |
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Houston, Texas, Etats-Unis.
– Les États-Unis doivent retourner sur la Lune, déclara Cornelius Fox en s’adressant à l’audience. Le vieil homme fit rire les représentants du New American Dream, un think tank très fermé qui réunissait une vingtaine de membres, choisis parmi les industriels, banquiers, assureurs et patrons de média les plus influents du pays. – Nous y retournerons pour exploiter le plus miraculeux des eldorados, compléta-t-il. Tout de suite, le silence se fit dans l’auditorium flambant neuf du siège de CorFox, l’entreprise de Cornelius Fox. Au-dessus de lui, sur l’écran, apparut en lettres dorées le symbole d’un élément chimique : 3He. – L’hélium 3, quasiment inexistant sur Terre, est présent dans des proportions beaucoup plus importantes à la surface de la Lune. La maîtrise de cette ressource sera le grand enjeu stratégique du vingt-et-unième siècle et des suivants, résuma Cornelius Fox. Le jeune Mike Prescott écoutait avec attention la présentation de son patron. Celui-ci exposa avec précision chacun des points du plan que Prescott avait imaginé. Tout était d’une logique implacable : l’humanité franchirait d’ici quelques décennies le fameux pic de Hubbert et verrait le déclin de ses réserves en énergies fossiles. Parmi les alternatives envisageables, les énergies dites renouvelables ne pourraient subvenir seules aux besoins des Terriens énergétivores. Les réacteurs nucléaires par fission n’étaient pas non plus une option généralisable à cause des déchets radioactifs qu’ils produisaient et surtout du risque de prolifération militaire. Selon Fox, seuls les réacteurs à fusion pouvaient être une solution durable et l’hélium 3 en était le combustible le plus fiable, mais aussi le plus rare. – Un kilogramme d’hélium 3 lunaire serait évalué à plus d’un million de dollars, ce qui en ferait l’une des matières premières les plus chères au monde, poursuivit Fox. Dans ces conditions, l’exploitation minière de la Lune serait même extrêmement rentable. Les hommes d’affaires se regardèrent avec des yeux emplis de cupidité. Un tel projet aurait certainement des retombées pour chacun d’eux. – Si nous en contrôlions l’accès, les États-Unis continueraient à dominer le monde pour de nombreux siècles, conclut-il. Mais nous devons agir vite, car les Chinois convoitent le même objectif. Ce sera l’une des missions de notre nouveau président : retourner sur la Lune avant eux. Cette réunion était très spéciale pour les membres du New American Dream. Ils célébraient en effet la victoire du nouveau président américain qui était resté à Washington. Depuis quarante ans, ils étaient dans les coulisses de chacune des élections, mais c’était la première fois qu’ils étaient parvenus à hisser au pouvoir un personnage aussi stupide et docile. Ils seraient les véritables maîtres de la Maison Blanche pendant quatre ans, voire huit. Comme s’ils écrivaient au Père Noël, chacun des intervenants avait présenté son plan pour s’enrichir dans les années à venir : invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, explosion des prix du pétrole, appauvrissement et contrôle des classes moyennes américaines et des États par le crédit, pillage du système bancaire, suppression des libertés individuelles, construction du bouclier antimissile… et l’exploitation de l’hélium 3 lunaire. Le discours de Fox clôtura cette journée chargée. Une pluie d’applaudissements s’abattit sur lui. Mike Prescott se leva de son siège pour le féliciter et l’aider à descendre de l’estrade. Sous ce corps rabougri et cette allure austère se dissimulait l’une des plus importantes fortunes du pays. Il était à la tête d’un empire hérité de son père, Cornelius Edwin Fox II. Tout au long de sa vie, il avait œuvré pour le développement de l’entreprise pétrolière familiale. Il l’avait transformée en un conglomérat actif dans presque tous les secteurs : l’armement, le génie civil, l’extraction minière, les médias, l’aéronautique et l’espace. Les perspectives qu’offrait le projet esquissé par son audacieux conseiller étaient extraordinaires pour CorFox. – Votre hélium 3 lunaire, c’est le meilleur plan que l’on m’ait jamais proposé, reconnut Cornelius Fox. Le jeune homme savoura ce compliment. Pour lui, à peine trentenaire, c’était un honneur d’avoir pu participer à cette réunion historique du New American Dream. Ils devaient maintenant aider le nouveau président à retourner sur la Lune. |
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