Manifeste pour un Siècle bleu

10 avril 2012

Mon premier roman Siècle bleu s’achève sur une réflexion de l’astronaute Paul Gardner abandonné sur la Lune, victime de la folie des Nations. Faisant face à la Terre, petit globe bleu suspendu dans l’immensité lugubre du cosmos, il nous dit :

Je suis certain que ce siècle, si noir, pourrait devenir bleu.
Il suffit de peu de choses, juste que nous le voulions ensemble.
Cet effort doit s’inscrire dans la durée.
Un siècle par exemple.
Le temps nécessaire pour bâtir une cathédrale.
L’humanité doit inscrire son action dans un temps qui la dépasse.
C’est ça : rêvons d’un Siècle bleu.
Celui de la réconciliation entre les Hommes, la Terre et le Cosmos.
Celui qui permettra à nos enfants de continuer à vivre normalement.
Celui dont les générations futures pourront être fières.
Pensons à leur joie si nous réussissons.
Et à notre honte si nous échouons.
Nous pouvons réussir.

J’ai essayé de raconter la réalisation de ce rêve dans mon second roman, Ombres et Lumières, en insistant aussi sur les forces qui viendront s'y opposer. Même si celui-ci ne paraîtra que le 10 mai 2012, juste après le second tour de l’élection présidentielle, je souhaitais partager avec vous un extrait des prochaines réflexions de l’astronaute Paul Gardner que vous y trouverez. Peut-être cela leur donnera-t-il des idées au candidat élu quand il réflechira à l'étendue des réformes à mener ? L’avenir est entre nos mains.

 

Manifeste pour un Siècle bleu

Malgré ma faible énergie, j’ai essayé de clarifier le vaste programme de la Révolution bleue.
Cette révolution pacifique n’implique pas un retour à l’âge de pierre. Au contraire, elle nécessitera toute la créativité de notre espèce tant les défis pour définir enfin une organisation pérenne des sociétés humaines sont inédits.
L’humanité entière devra se déclarer prête pour cette transition. Nos institutions internationales, avec leur fonctionnement kafkaïen, sont aujourd’hui en panne. Il nous faudra donc imaginer d’abord un mode de gouvernance mondiale efficace, où la tolérance et le respect entre les peuples l’emporteront sur la défense des intérêts particuliers.
Il faudra mettre fin à la dictature du court terme et des échéances électorales. Les grandes décisions devront échoir à des représentants de nos peuples, choisis pour leur sagesse et leur vision, et guidés par les exigences simples de la vie dans un petit monde bleu. L’humanité pourra alors s’atteler aux grands chantiers qui l’attendent.
Il faudra ralentir et prendre le temps de réfléchir en profondeur à l’organisation de nos vies et de nos sociétés. Lorsque l’on regarde la Terre depuis l’espace, les mécanismes qui régissent la marche du monde paraissent en effet complexes et absurdes.
Il faudra maîtriser notre démographie et en gérer les conséquences économiques. Certaines populations y sont parvenues, en donnant par exemple davantage de droits aux femmes. Ces nations pourront nous faire bénéficier de leur expérience et de leurs erreurs.
Il faudra nous interroger à nouveau sur les concepts philosophiques fondamentaux de propriété et d’État, sources de toutes les divisions. Il faudra revisiter Hobbes, Locke, Rousseau ou Marx, et pousser davantage leurs réflexions en tirant les leçons du communisme et du capitalisme.
Il faudra inventer de nouveaux concepts économiques compatibles avec les limites de notre planète, et répartissant équitablement les richesses entre les peuples et les générations.
Il faudra réunir les peuples, comme au lendemain d’une guerre, pour statuer sur les dettes contractées. Et empêcher que ce fléau ne se développe à nouveau.
Il faudra veiller à ce que de nouveaux baobabs ne poussent pas. Ce sera la tâche de chacun, et également d’un conseil de sages chargé d’évaluer tout processus susceptible de se développer exponentiellement, en évaluant, comme les Iroquois, son impact sur sept générations. Nommons-le « Deep Thinking Institute ».
Il faudra s’interroger à nouveau sur les droits de l’homme, mais surtout sur ses devoirs.
Il faudra réfléchir à l’organisation de la famille, renforcer les liens entre les générations afin d’éviter l’isolement des plus âgés et des plus jeunes, en s’inspirant de ce qui existe déjà dans de nombreuses régions du monde.
Il faudra revoir l’éducation en enseignant à nos enfants les notions et les valeurs nécessaires à la vie sur une petite planète.
Il faudra repenser l’organisation des villes pour qu’elles deviennent des lieux de solidarité et de convivialité.
Il faudra réduire notre consommation d’énergie, mettre au point de nouvelles sources renouvelables qui soient capables de subvenir à nos besoins sans consommer de matières rares. Cela nécessitera de vraies ruptures technologiques.
Il faudra abandonner le concept de poubelle, si déresponsabilisant, qui a fait de notre civilisation une véritable machine à produire des déchets.
Il faudra passer en revue la conception de tous les objets que nous utilisons afin qu’ils soient totalement recyclables et que les services rendus par la Nature y soient pris en compte.
Il faudra refonder notre médecine en établissant une synthèse des savoirs.
Il faudra repenser complètement notre alimentation et notre agriculture.
Il faudra...                                                                              
La liste pourrait être allongée indéfiniment. Les défis à venir sont innombrables.
Nous aurons besoin d’un nouveau Siècle des lumières, dans lequel, cette fois-ci, l’homme éclairé ne sera plus aveuglé par la Raison, mais davantage conscient de son pouvoir et de ses limites. Cette philosophie des lumières laissera aussi de la place au merveilleux.
Pour y parvenir, nous aurons besoin de l’aide de chaque être humain, et en particulier de celle des peuples premiers, qui ont su conserver un lien avec la Nature et le Cosmos, et qui ont déjà trouvé des réponses à la plupart des questions listées précédemment.
Nous aurons besoin de toutes les espèces végétales et animales embarquées sur notre grande arche. Il faudra écouter leurs enseignements et développer le biomimétisme. Il faudra que l’Homme retrouve sa place dans la Nature, qu’il réapprenne à la respecter et à s’en émerveiller. La biosphère n’est pas un substrat dans lequel nous puisons mais un tout harmonieux auquel nous appartenons.
Nous aurons besoin des artistes et des humoristes pour qu’ils embellissent, questionnent, éclairent et égayent notre futur.
Nous aurons besoin des inventeurs d’utopies pour qu’ils imaginent les voies possibles pour ce Siècle bleu.
Nous aurons besoin des bras et des rêves de tous. Les rêves d’un seul homme peuvent changer le monde, alors imaginez ceux de plusieurs milliards d’individus !
Au travail, maintenant !
Rêvez et vive la Révolution bleue !
À demain.

 

Amitiés bleues,

Jean-Pierre Goux.

Paris. 10 avril 2012.

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