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Manifeste pour un Siècle bleu 10 avril 2012
Le récit n’a pas le pouvoir d’empêcher L’environnement, ça commence à bien faire L'écologie est l’une des grandes absentes de ces débats présidentiels alors que la nécessité d'agir n'a jamais été aussi grande. L'humanité est pour la première fois de son histoire confrontée aux limites de sa petite planète et une transformation complète de l'organisation de nos sociétés est nécessaire pour relever ce défi. Au lieu de s'y atteler, nos représentants politiques ont simplement éludé la question. Il y a cinq ans, l'écologie avait pourtant été un thème de campagne central pour les différents candidats, habilement aiguillonnés par Nicolas Hulot et son pacte écologique. Malheureusement, un quinquennat plus tard, les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Face à une problématique d'une telle ampleur, passer des promesses aux actes requiert une détermination et un art du changement devenus trop rares de nos jours. Et surtout une vision claire, un rêve. Nous y reviendrons, après avoir fait un état des lieux de ce qui nous a conduit à la situation actuelle. A quelques semaines du premier tour des élections, il me semblait essentiel de contribuer à ce débat refoulé. L’espoir envolé du Grenelle de l’environnement L’analyse initiale du Grenelle de l’Environnement avait pourtant été excellente mais sa transcription législative dans les lois Grenelle 1 et surtout Grenelle 2 fut si édulcorée que l’on ne voit aujourd’hui même plus ce qui motivait et unifiait ces lois, perçues par beaucoup uniquement comme une série d’entraves au développement de notre économie déjà souffrante. De plus, comme nous nous sommes arrêtés au début du gué, on ne perçoit aucun des bénéfices attendus en terme de qualité de vie et de retombées économiques. Le processus est à l'arrêt depuis deux ans et on revient même en arrière. La France a pour l'instant laissé passer sa chance d’être aux avant-postes de la transition écologique, mais la feuille de route est toujours là, à nous de la suivre. La même chose s’est produite aux États-Unis où l'espoir énorme placé dans la « révolution verte » d'Obama s'est aussi évanoui. La découverte de techniques permettant d’exploiter les gaz et les huiles de schiste n’a pas aidé non plus à convaincre un peuple dont une frange non négligeable est séduite par les arguments du Tea Party : Drill baby Drill ! La capacité d'innovation et l'esprit entrepreunerial américain placent néanmoins les Etats-Unis dans le pôle de tête pour fournir des "cleantech" au monde entier, ce qui n'est pas le cas de la France où les filières renouvelables sont au point mort du fait de l'absence de stratégie énergétique claire. Une urgence moins pressante et la fin d'un processus L’édifice rêvé ne s’est donc pas encore érigé et, en faisant machine arrière, les classes dirigeantes ont surtout fait perdre aux peuples la motivation et l’espoir de changer les choses. Heureusement que certaines ONG et quelques individus veillent encore pour que la petite flamme ne s’éteigne pas et qu’ils se dressent encore devant des hommes politiques qui, en France et partout ailleurs dans le monde, essayent de nous faire croire que nous sommes sur la bonne voie, que les progrès accomplis sont déjà remarquables et que l’urgence n’était peut-être pas aussi grande qu’on le disait. Il y a cinq ans, en 2007, nous nous trouvions encore dans « l’âge d’or » de l’écologie qui avait connu un essor laborieux, mais certain, depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992. 1992 c’était la date de ma prise de conscience environnementale. J’avais 18 ans à l’époque, l’âge où tout semble possible et surtout facile. Voir plus de cent chefs d’Etat réunis au chevet de la planète m’avait semblé extraordinaire. L’humanité était sauvée et les sociétés humaines pouvaient espérer vivre en harmonie entre elles et avec la Nature. Le sommet de Rio était lui-même l’aboutissement de vingt années d’intenses réflexions sur l’écologie globale, initiées lors du premier sommet de la Terre organisé en 1972 par l’ONU à Stockholm. Mais l'application des grands textes votés à Rio est restée balbutiante comme on l'a constaté lors du Sommet de la Terre de Johannesburg dix ans plus tard (j’avais alors 28 ans et j’ai vraiment commencé à comprendre que la transition serait beaucoup plus difficile qu'annoncée). "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs" avait proclamé Jacques Chirac en ouverture de cette conférence. Qu'ont-ils fait en vingt ans ? En 2012, le prochain Sommet de la Terre décennal se déroulera de nouveau à Rio (il est d'ailleurs baptisé Rio+20) et devrait en toute logique et malgré les efforts déployés par les organisateurs consacrer l’échec de ce processus. En écrivant cela, je ne peux pas m'empêcher de penser à Severn Suzuki, cette jeune fille de 13 ans qui avait harangué en 1992 les délégués de la conférence de Rio pour leur rappeler avec passion leurs devoirs et leur responsabilité. Même si lors des conclusions du sommet Rio+20 chacun s’efforcera de mettre en avant les avancées - technocratiques - obtenues, celles-ci n’auront rien à voir avec l’espoir rêvé à Rio. L’intention initiale était extraordinaire, mais le processus d’implémentation fut désastreux. On s'est perdu en chemin. Pourquoi ? Car il manquait aux peuples une vision commune et partagée, un rêve transcendant et clair d’organisation possible des sociétés humaines, un récit robuste aux critiques et aux aléas économiques auquel on puisse venir à chaque fois se raccrocher. J’y reviendrai. Le CO2 ou l’objectif unique incapable de fédérer les peuples Dans la liste des problématiques identifiées à Rio, il y avait pour la première fois la nécessité de réduire les émissions de CO2 afin d'éviter les drames d’un dérèglement climatique global. Même si l’objectif fixé par la suite à Kyoto en 1997 était modeste (réduction entre 2008 et fin 2012 de 5% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990), ce protocole était un premier pas dans le bon sens et en tout cas une avancée significative vers une prise de conscience et une réaction globale. Néanmoins à cause de la non-ratification par certains grands pays développés, l’exemption de certains secteurs économiques et l’exclusion des pays émergents du dispositif (où l’activité industrielle des pays développés s’était pourtant déplacée), ce protocole n’a pas infléchi la hausse galopante de nos émissions de CO2. En 2011, elles ont été les plus importantes jamais enregistrées, ce qui est logique vu que l’utilisation des énergies fossiles n’a jamais été aussi importante. Si l'objectif annoncé n'a pas été tenu au niveau mondial, il faut néanmoins reconnaître que sans Kyoto, cela aurait été encore pire. Il faut donc continuer à oeuvrer dans ce sens. Sans la prise de conscience sur le CO2 et la mise en place de ces contraintes sur les émissions, le développement des énergies renouvelables et des cleantech serait au niveau zéro. Ce qui est surtout triste c'est que dans les quinze années qui ont suivi Kyoto, les États, empêtrés dans un mode de dialogue pseudo-démocratique mais cacophonique, ont été incapables de se mettre d’accord sur un successeur – cette fois-ci ambitieux – au protocole de Kyoto. On se souviendra de Copenhague comme du paroxysme de la discorde entre les peuples de la Terre. D’une certaine façon, c’est une bonne chose. En effet, le texte qui aurait pu être validé à Copenhague était largement insuffisant et ne résolvait presque aucune des faiblesses que son prédécesseur avait montrées. Cet accord n’aurait donc pas résolu la vraie problématique derrière celle du CO2 (la dépendance extrême de notre civilisation aux énergies fossiles en voie d'extinction d'ici quelques décennies, le prix du baril durablement au-delà de 100$ nous le rappelle chaque jour) et pire, il aurait fait croire à tout le monde que l’humanité était sauvée, alors que la maîtrise du CO2 n'aurait été que partielle et qu'elle n’était surtout que l’un des multiples défis humains et écologiques auxquels nous sommes confrontés. Avec le temps, cette problématique avait en effet peu à peu occulté toutes les autres alors que l'extrême pauvreté, la famine, la déforestation, la surpêche, le recul de la biodiversité … et tant d’autres restaient sans solutions. Même si réduire les émissions de CO2 demeure un objectif prioritaire, comment espérer faire rêver l'humanité sur la réduction d'un composé chimique, le CO2, devenu le mal absolu ? Ce n'est pas la peur d'une montée des mers qui peut changer l'état d'esprit, mais une vision beaucoup plus vaste, plus poétique et plus enthousiasmante, pour tous. Le CO2 devrait s'inscrire dans ce grand plan et n'en être qu'un des corollaires, mais pas le moteur. L’humanité doit imaginer son rêve pour le XXIème siècle Sans successeur réel à Kyoto, l’humanité a maintenant devant elle une feuille blanche. Certains trouvent cela angoissant mais c’est aussi une chance unique pour tout réinventer, différemment. Comme l’écrit si bien Jeremy Rifkin dans La Troisième Révolution industrielle, ce qui manque aux dirigeants c’est un récit, afin que les actions individuelles s’inscrivent dans un plan général cohérent et compréhensible par tous. Ce récit doit être exaltant et d'une incroyable solidité car les forces qui tenteront de nous détourner de l'objectif seront prodigieuses. Jusqu’à des temps récents, les peuples se sont laissé guider par les histoires et les rêves racontés par les Anciens ou des prophètes. C’est comme cela que les sociétés humaines ont évolué et surtout comme cela qu’elles ont survécu. On ne retrouve pas cette ferveur et ce pouvoir narratif dans les déclarations des politiques peu convaincus de l'intérêt (autre qu'électoral) du changement ni dans les processus onusiens, machines à laminer tout enthousiasme. L’humanité a certainement besoin d’un grand électrochoc pour ouvrir les yeux, mais surtout elle a besoin d’un grand rêve, positif et enthousiasmant, qui lui donne la force et la joie de métamorphoser son organisation pendant ce siècle décisif. Chacun peut contribuer à l’élaboration de ce récit et de ce rêve, par des actions locales ou globales, qui créent de la beauté et redonnent du sens à nos vies. Mon rêve pour le XXIème siècle La réussite de cette transition m’obsède depuis le Sommet de Rio de 1992. A mon humble niveau, j'ai choisi la voie du roman pour apporter ma contribution à ce Grand rêve. Le roman est en effet un excellent moyen de faire passer des idées complexes d’une façon ludique, de confronter les points de vue et d'émouvoir le lecteur. Le roman est aussi un extraordinaire « simulateur de vie » permettant de mettre en scène cette transition et de montrer à quel point elle est difficile mais surtout à quel point elle est possible ! L'histoire de l'humanité est jalonnée de crises depuis des millions d'années, nous n'allons pas nous laisser abattre par celle-ci, dont nous sommes en plus responsables à 100% ! L'antidote est en nous ! Mon premier roman Siècle bleu s’achève sur une réflexion de l’astronaute Paul Gardner abandonné sur la Lune, victime de la folie des Nations. Faisant face à la Terre, petit globe bleu suspendu dans l’immensité lugubre du cosmos, il nous dit :
J’ai essayé de raconter la réalisation de ce rêve dans mon second roman, Ombres et Lumières, en insistant aussi sur les forces qui viendront s'y opposer. Même si celui-ci ne paraîtra que le 10 mai 2012, juste après le second tour de l’élection présidentielle, je souhaitais partager avec vous un extrait des prochaines réflexions de l’astronaute Paul Gardner que vous y trouverez. Peut-être cela leur donnera-t-il des idées au candidat élu quand il réflechira à l'étendue des réformes à mener ? L’avenir est entre nos mains.
Amitiés bleues, Jean-Pierre Goux. Paris. 10 avril 2012.
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